Solitude.

Elle marche. Son pas feutré sur les gravillons. Le vent, dans ses cheveux, sur l'herbe aussi, celle qui borde le chemin et qui ondoie pareille à un océan de verdure. Un peu de pluie, une bruine discrète et froide. Elle n'a pas de parapluie. Elle lève le nez vers le ciel, peint d'encre grise et glauque. Elle continue à marcher. Autour d'elle, quelques arbres où chantent des merles, ils viennent aussi parfois sautiller, quelques mètres devant elle, avant de s'envoler vers les cieux lugubres. Pas un être humain, juste la rumeur du vent dans les branches dénudées des arbres. On est en janvier, je crois. Le début d'une nouvelle année. Un moment fabuleux, n'est-ce pas ? C'est un hiver assez triste, il n'a pas encore neigé, si ce n'est la-bas, dans les montagnes. Il n'y a que cette pluie timide et ce vent arrogant. Un banc de bois à la peinture écaillée. Elle s'y assoit, sans se préoccuper de l'humidité du bois. Face à elle, une haie de troènes, savament taillée. Au loins, quelques oiseaux, simples marques noires dans la grisaille céleste.

On croirait une enfant, une robe toute en dentelle noire, avec des rubans, de la tulle, des volants. Des bas résilles, filés par endroit, de sous sa robe on distingue une jarretière naissante. Un corset de satin, noir d'encre lui aussi. Si sombre ... Et ces prunelles d'un bleu intense, troublant et brillant, ces yeux, cernés d'un trait de crayon noir hatif, ces lèvres, purpurine, ce teint, blafard ... Elle se relève, poussée par l'ennui, même la mélancolie ne l'amuse plus. Elle reprend sa marche. Elle quitte le chemin, vers la civilisation, les cris des enfants, les maisons bourgeoises et cossues dont on aperçoit le toit, le ronronnement bruyant des voitures, l'attitude génante des gens ... Vers Lui aussi, Lui qu'elle aime et qui l'attend, fiévreux d'amour, Lui qui mieux que la Solitude sait lui faire oublier les affres d'un monde indécent.